Parce qu'il faut bien commencer...2
Pendant
Rencontrer la lenteur et la régularité…
Il convient d'abords de ralentir, voilà qui est étonnant. La lenteur est en effet requise dans les gestes pour unir l'état d'esprit, l'intention (le ciel pour les Chinois) et le corps, (la terre) l'acte, l'action… au moyen de la respiration. On amplifie le mouvement en l'étirant dans la durée.
On prend ainsi une meilleure conscience de son corps, mais aussi de phases et de détails de son mouvement qui en général nous sont étrangers.
Nous acquérons une première lenteur par le fait même de décider de ralentir ; puis au fur et à mesure que nous pratiquons s'installe une lenteur apprise, imposée et apprivoisée ; enfin apparaît notre lenteur personnelle, la mieux en accord réel avec notre énergie et la seule rendant possible toute accélération ultérieure.
La lenteur améliore notre concentration grâce à la pleine conscience qu'elle nous donne de ce que nous faisons. Une fois la connexion faite avec cette vitesse-là, il suffira de respecter quelques règles pour ne pas bloquer ni gaspiller l'énergie.
Le second aspect immédiat est la régularité dans la lenteur…L'attention s'en trouve automatiquement entraînée, ainsi que le contrôle physiologique de l'influx nerveux amené au niveau des muscles On retrouve là l'essence de la méditation, appliquée au mouvement et du « Age quod agis » latin, soit « Fais bien ce que tu fais »
Eprouver la fluidité
Elle s'ajoute à la lenteur d'exécution et à sa régularité en se plaçant entre les différents mouvements, pour éviter les cassures de rythme. Le mouvement du débutant est erroné selon les critères de l'art, et généré par une intention non adéquate. Cette intention décale le mouvement par rapport à un mouvement qui serait en accord avec les lois du Tao…
Sculpter le mouvement jusqu'à ce qu'il obéisse aux lois de « l'univers » est la condition de l'énergie sans fin et du non-agir. Afin de faire passer la forme de l'état de mosaïque à l'état d'unité, il faudra patiemment désincruster les intentions erronées et habituer l'intention à être non morcelée mais présente partout : la forme devient comme l'eau, avec des ondulations que l'on serait tenté de prendre pour des actions.
Sentir la spécificité des gestes appris et la justesse de posture
Pour restituer au corps la possibilité de circulation des énergies qui l'animent, il faut développer une grande faculté d'écoute des moindres modifications du corps, et leur alignement sur des injonctions précises.
Recherchées avec persévérance, elles favorisent la détente, l'enracinement, la circulation du chi. Chaque mouvement que le pratiquant exécute finit par résonner, vibrer en correspondance avec certains états des énergies disponibles et s'alimenter directement à l'énergie individuelle et ambiante.
Développer la mémorisation.
L'enchainement ou taolu est composée d'un certain nombre de mouvements qui se suivent dans un certain ordre. Il en existe de plus ou moins longs selon les écoles et styles. Le pratiquant, en fonction de son âge et de ses capacités peut avoir des difficultés à retenir suffisamment bien ces séquences.
On commence par se concentrer sur des portions réduites de l'enchainement et les répéter. Le travail de détail sur ces petites portions sera profitable. Ensuite il appartient à chacun d'augmenter progressivement la quantité d'informations à mémoriser.
Trouver sa respiration
Nous sommes tous habitués à respirer de façon naturelle et automatique mais le phénomène de la respiration est plus complexe que ce que nous pensons, car il est non seulement sous l'influence de l'émotion (cœur), mais aussi de la volonté. Le plus simple est de considérer la respiration comme la somme de deux processus :
- la ventilation approvisionne l'air et le rejette, et l'échange, qui permet à l'organisme de traiter l'air en extrayant le nécessaire et rejetant ce qui ne sert pas. Tout ceci se fait en rythme et amplitude.
- Le rythme dans sa structure peut être considéré comme binaire, aussi bien dans la ventilation que dans l'échange. Inspiration puis expiration de la matière « air » et absorption/expulsion des gaz oxygène et carbonique.
Le rôle que jouent l'amplitude et la fréquence ventilatoires dans notre vitalité générale est directement perceptible par tout un chacun. La pratique du taichi chuan comporte des exercices de réglage de ces deux paramètres sur la vitesse d'exécution des mouvements, qui favorisent l'oxygénation des tissus et la régulation du potentiel nerveux.
Savourer le relâchement
Il permet d'éviter la dépense d'énergie inutile et donc gaspillée qui contrarie le mouvement. Le principe revient en quelque sorte à se reposer tout en agissant. La relaxation effective repose sur un triple vide : physique, émotionnel et mental.
La bonne posture (axe, membres, poids) permet de lâcher prise, de s'enraciner en s'unissant avec la gravité. Elle aide à libérer les muscles du tronc, le diaphragme et la cage thoracique, elle permet de diminuer la consommation d'énergie, bref elle favorise physiquement la relaxation.
La respiration non contrariée, profonde, lente et régulière favorise le calme et la sérénité émotionnelle. La concentration de l'intention ici et maintenant sur des points précis de la pratique amène progressivement à la maîtrise du processus.
Construire une architecture dynamique
La pratique du taïchi chuan est une construction constante et un voyage permanent dont Les ressources architecturales sont spécifiques.
Chaque geste ou mouvement est un cliché du film du mouvement ou de l'acte. Il est sous tendu par un schéma énergétique qui lui-même est sous tendu par une intention, un plan, conscients ou non.
Ainsi, le système locomoteur, avec ses muscles, tendons et ligaments, pour les différents gestes que l'on accomplit, est piloté via le système nerveux central et les nerfs moteurs périphériques.
Les réflexes sont progressivement enseignés et construits par l'entraînement quotidien. On peut parler de schéma corporel qui évolue et de dialogue entre l'intention consciente et l'intention non-consciente. Une preuve de plus, que cet art est profond et constitue un long voyage, une longue ascension au cours de laquelle chacun a le loisir de s'arrêter à l'altitude qui lui convient…